Ici je me suis grandement inspiré du livre de Christy Harrison, diététicienne, sur la culture du régime et de la culture de la santé à tout prix. Je vais parler de SCI, du lien avec les TCA, critiquer l’alimentation sans FODMAPS (of course) et proposer des études à l’appui ainsi qu’alternatives pour pas en sortir dépité.
Nombreux sont les diagnostiques de SCI quand un TCA est clairement présent (1). La problématique est souvent la focalisation sur le fonctionnement digestif au lieu d’une prise en charge complète et psy plus adapté. Notamment, la tendance serait de diagnostiquer le SCI et d’orienter vers une alimentation sans FODMAPS et franchement, je l’ai proposé plusieurs fois à des patient.es, il est difficile d’aller à l’encontre des conseils de gastroentérologues et autre études scientifiques récentes. Le problème est que c’est pourtant un accompagnement très trigger (activateur de trauma) pour les TCA ou des personnes ayant réussi à se sortir d’un TCA.
Peu d'études montrent des effets positifs sur le long terme d'un régime qui devient vite très restrictif pendant les premières semaines puis s’adoucit pour rentrer dans un travail constant sur soi et une vigilance qui peut devenir très contraignante sur les effets de chaque aliments, sa quantité et sa prise alimentaire spécifique au quotidien.
Pourquoi je ne recommande pas le régime sans FODMAPS ?
Première chose, il est souvent prescrit sans accompagnement ce qui est très dangereux car certain.es peuvent se retrouver à l’appliquer à la lettre pendant des mois, voire des années, de peur d’avoir des troubles digestifs. Ensuite, même si un accompagnement est fourni, il est rarement complet, on rentre encore dans un régime restrictif accompagné avec chaque mois la nécessité de faire le point sur les aliments ou pas consommés, comment ou quoi réintégrer, etc…
C’est long et épuisant et le bien être passe complétement à côté, car les fodmaps on en retrouve partout, notamment quand on a un régime végan ou végé, enlever les légumes secs et autres fruits et légumes est un risque sur la santé.
Ce régime entraine inévitablement des carences, d’où l’accompagnement et le conseil diet de l’appliquer seulement pendant 2 semaines max, sauf que quand il est mis en place, deux semaines est rarement le temps consacré à ce régime, en vient un travail constant et un vrai contrôle incessant de son alimentation. Et c’est rarement le « sachant » qui subis cette contrainte ensuite au quotidien, manger en extérieur devient difficile, s’amuser, boire un coup avec des copain.es, manger hors de chez soi est presque impossible et l’explication est si difficile qu’on en revient encore à la pratique d’un régime restrictif avec les magiques contraintes de la dietculture.
Quel lien entre SCI et TCA ou alimentation insuffisante ?
Le lien avec SCI et TCA est aussi celui de ne pas diagnostiquer une alimentation soit insuffisante au quotidien (anorexie, boulimie ou trouble restrictif), soit un dérèglement avec des phases de jeune trop longues qui entraineraient ensuite des troubles digestifs liés à un déséquilibre énergétique.
Passer plus de 4h sans manger est ok et occasionnellement pas un souci car le corps sait s’adapter, mais passer trop régulièrement par des phases de jeune entraine ensuite un stress chronique qui impact de manière progressive et forte le système digestif. Le corps n’obtenant pas un besoin primaire rentre dans une phase de survie et privilégie le cœur, les muscles et le système respiratoire et cardiovasc en réduisant l’oxygénation et l’alimentation du système digestif. Sur le long terme les symptômes ressemblent étrangement aux symptômes du SCI.
De plus on ne prend pas en compte la réaction du corps face à un stress chronique lié à un stress post traumatique (2) qu’il soit violences sexistes et sexuelles, discriminations au quotidien ou autre problème sociétal entrainant un stress chronique et des trauma régulier. Le trauma non pris en charge, voir mis de côté par le corps médical entraine inévitablement un impact fort sur le système digestif.
J’aborde ici le SCI, mais ce type de diagnostique avec de multiples traitements non concluant notamment en passant par un régime restrictif au nom de la santé de lea patient.e est très commun, beaucoup trop commun. N’est pas pris en compte le passé et la relation au corps et à la nourriture qu’à cette personne ou encore les symptômes liés à d’autres problématiques vécues comme un stress chronique car une situation unsafe vécu au quotidien pour une personne queer, une personne sexisée, une personne grosse, une personne neuroatypique, une personne ayant vécu un ou des trauma, une personne racisée, etc…
Pourquoi se tourner vers des traitements passant par l’alimentation ou « alternatifs » ?
Maladie de Lyme, covid long, candida albicans chronique, sci, etc… que des diagnostiques qui plus ou moins réels sont posés avec aucun traitement adapté possible qui permettrais de rassurer une personne qui vient de se faire diagnostiquer pour des symptômes assez conséquents. La facilité est donc de réorienter ou de proposer des traitements dits « alternatifs » qui rassurent mais qui peuvent aussi vite devenir chère, donc peu accessible pour des populations précaires et dangereux, avec possible tca, troubles digestifs s’installant, ou autre symptômes liés à un régime restrictifs ou des compléments alimentaires inadaptés.
Attention, je ne critique pas le pouvoir des plantes, huiles essentielles ou autres thérapies brèves très intéressantes notamment dans la gestion de la douleur chronique ou d’un stress post traumatique. Il est aussi possible qu’à des moments de vie il soit rassurant, voire apaisant pour le corps de faire des choix « bien être » qui passent par une médecine dite « alternative », le souci est le fait de recommander, prescrire, voir assurer lea patient.e que cette approche est efficace, voire nécessaire. En tant que professionnel de santé si on ne peut pas faire la part des choses entre ce qui va être utile ou pas pour lea patient.e vivant déjà ses propres problématiques personnelles alors on ne peut pas parler de care. Il est nécessaire de faire la différence entre une injonction à mettre en place des choses qui risquent d’entrainer une pression, voir réduire la qualité de vie d’une personne et proposer des moyens de soulager et apaiser une personne avec un stress chronique et plus ou moins de douleurs chroniques.
Le problème est qu’il existe vraiment une capitalisation de la souffrance des gens, cela semble normal et logique et pourtant quand il y a de la souffrance, on aime espérer qu’un professionnel de santé puisse nous donner une solution plus ou facile à mettre en place, mais une solution. Et tant pis si cette solution est contraignante dans notre vie pro et privé, tant pis si socialement il est difficile d’en profiter, tant pis si cela est un nouveau point de pression sur son corps ou sa relation à la nourriture, car l’espoir fait vivre et là on vit dans l’espérance de guérir, de ne plus avoir de douleurs et de s’en sortir.
L’espoir mais aussi l’empathie, la pratique safe et adapté du care pour des personnes en ayant manqué pendant des années notamment dans le milieu médical. Une étude (3) réalisé sur 250 personnes diagnostiqués de SCI à analyser l’impact de l’empathie et la douceur d’un praticien sur les effets bénéfiques du soin, notamment en passant par l’acupuncture. Les personnes ayant reçu un soin par une personne empathique et bienveillante ont eu une réduction significative des symptômes, l’équivalent de l’effet de la prise d’un traitement lourd pour le SCI, comparés à celleux qui ont reçu un soin réalisé par une personne peu bienveillante et désagréable, qui a pris peu de temps pour l’écoute et l’attention.
Sachant que les deux soins n’utilisaient pas de vrai aiguilles d’acupunctures, elles ne pénétraient pas la peau, ce qui montre que les effets n’ont pas été liés au soin d’acupuncture mais bien à l’impact de cet effet placebo.
Le pouvoir de l’empathie par des professionnels de santé ou autre praticiens du care est un des effets placebo qui peut expliquer les bénéfices observés lors de la mise en place de solutions alternatives et autre traitements non conventionnels. L’effet placebo ici n’étant pas une sorte de biais que notre cerveau leurré par une fausse information entrainerait des effets secondaires mais plus un effet « care ». L’effet placebo est loin d’être juste « dans la tête » mais un vrai outil pour créer de vrais résultats cliniques afin d’améliorer les symptômes type nausées, phobies et douleurs.
Il existe aussi un effet nocebo, c’est-à-dire un effet négatif lié à une prise alimentaire ou un traitement. Cet effet explique les sensations d’intolérance à certains aliments comme le gluten, le sucre (et j’en passe) lié à un discours stressant et culpabilisant face à certains aliments.
Et les alternatives ?
Pour revenir au SCI, il existe des alternatives au régime sans FODMAPS comme l’hypnothérapie (4) et la prise en charge des problématiques sous-jacente comme la réduction du stress chronique grâce à différentes techniques, prise en charge du TCA, prise en charge d’un stress post traumatique grâce à la thérapie, etc…
J’entends que ces informations peuvent rajouter un certain poids sur les personnes diagnostiqués SCI, le but étant pas de culpabiliser le choix d’aller vers une alimentation sans FODMAPS ou encore d’autres traitements alternatifs, mais plutôt de communiquer une information claire et complète sur l’impact de ce ou ces traitements ainsi que les alternatives et pistes à explorer.
Sources:
(1) Perkins, S. J., Keville, S., Schmidt, U., & Chalder, T. (2005). Eating disorders and irritable bowel syndrome: is there a link?. Journal of psychosomatic research, 59(2), 57-64. [accessed April 2022 via: https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16185999/]
(2) Ng QX, Soh AYS, Loke W, Venkatanarayanan N, Lim DY, Yeo WS. Systematic review with meta-analysis: The association between post-traumatic stress disorder and irritable bowel syndrome. J Gastroenterol Hepatol. 2019 Jan;34(1):68-73. doi: 10.1111/jgh.14446. Epub 2018 Sep 10. PMID: 30144372.
(3) Ted J Kaptchuk et al., Components of placebo effect: randomised controlled trial in patients with irritable bowel syndrome, BMJ 2008; 336 doi: https://doi.org/10.1136/bmj.39524.439618.25 (Published 01 May 2008)
(4) Peters, S., Yao, C., Philpott, H., Yelland, G., Muir, J. and Gibson, P., 2016. Randomised clinical trial: the efficacy of gut-directed hypnotherapy is similar to that of the low FODMAP diet for the treatment of irritable bowel syndrome. Alimentary Pharmacology & Therapeutics, 44(5), pp.447-459.
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